
Assez régulièrement ( et de plus en plus ) je vois des gens arriver à un mode de vie vegan ( ce qui en soit est plutôt bien ) mais ce que je trouve étrange c’est souvent le paradoxe éthique assez flagrant et parfois cliché.
Pour commencer, beaucoup des végan avec qui j’ai les échanges les plus houleux sont souvent des filles, entre 20 et 30 ans, « converties » depuis assez peu de temps.
Autant je crois sincèrement aux bienfondés de ce mode de vie lorsqu’il est choisi et pensé de bout en bout, autant je suis souvent confronté à des situations de fort malaise lors de nombreux échanges.
Cela se manifeste par plusieurs choses récurrentes : le prosélytisme, la suffisance et l’incohérence.
Je vais dresser un portrait caricatural pour essayer de bien faire comprendre ça … ( pour ce faire je ne vais que juxtaposer des éléments issus de posts ayant défilé sur mon fil d’actualité perso )
Faisant la queue pour avoir son café-pumpkin starbuck, elle attend en faisant un petit selfie marrant pour montrer son nouveau bonnet en coton bio.
Elle poste ça en ligne avec son nouvel iphone.
Un peu plus tard elle rentre chez elle, se fait un petit smoothie banane, mangue et lait de coco, le tout dans un super blender trouvé sur amazon.
Un petit tour sur son compte instagram nous fera découvrir sa garde robe pour constater que toutes les fringues sont bio. Comme tout est bio, le label "équitable" est apposé sur son chocolat, son café et ses épices.
Plus tard, un passage sur son compte facebook nous montrera de nombreux partages militant où on voit combien l'industrie agro-alimentaire est trash (les vidéos le montrent très bien assurément … (ne pas aller sur une page d'une végan à l'heure du repas !).
On la verra également se réjouir de la fermeture d'un abattoir, voyant le signe d'un réel progrès pour "la cause".
Elle prend soin d'elle, les statistiques publiées sur ses joggings grâce à l'application embarquée dans ses nike en sont la preuve ! Et après une bonne douche avec un savon Lush elle sent super bon le fruit de la passion.
Et ce soir après cette belle journée elle se fait un petit plaisir : un steak végétal. Tellement bien fait qu'on dirait trop de la viande (mais sans la souffrance animale) ! Un petit bout de "Faux-mage" à base de noix de cajou et un avocat. Et en dessert un petit bout de chocolat équitable.
Elle a le sourire en préparant ses vacances en Thaïlande en achetant sont billet en ligne sur son macbook, avec son chat sphinx qui ronronne sur ses genoux et peux enfin aller se coucher, en paix avec elle-même et ses convictions … aujourd'hui encore, elle n'a été la cause d'aucune souffrance animale.
Et là je vous vois venir avec un "Heuuu mais Samten, il est où le problème, je ne vois pas trop où tu veux en venir … elle a l'air plutôt cool la nana là … non ?"
Oui oui elle est cool ! Et c'est vraiment chouette que par son véganisme elle se sente impliquée dans la cause animale, le progrès et l'évolution de l'humanité à des hautes sphères de conscience et d'empathie !
MAIS … Et hélas c'est là que le bât blesse…
Son café est issu de la souffrance des hommes, d'une production qui détruit l'environnement dans lequel il est produit et contribue au déséquilibre nord-sud où la domination occidentale est vécue de plein fouet par les producteurs-esclaves.
Son téléphone est issu d'une production où les métaux rares sont également issus de productions où les hommes sont traités en esclaves dans des mines aux conditions abominables. En plus l'obsolescence perçue fait qu'elle changera de téléphone alors même que ce dernier sera encore tout à fait fonctionnel.
Elle se réjouit de la fermeture d’un abattoir sans réaliser que le nombre d’animaux abattus restera inchangé ... le seul changement sera que ces pauvres bêtes devront parcourir encore plus de distance dans le transport final ... l’élément souvent le plus traumatisant pour l’animal (mais aussi pour l’éleveur qui respecte ses animaux).
La banane de son smoothie provient d'équateur, issue d'une terra-formation imposée par les États-Unis pour que ces pays ne viennent pas concurrencer la production de maïs OGM. La mangue provient d'Inde et a peut-être véhiculé des parasites qui détruisent nos vergers. L'avocat provient d'Israël et le lait de coco de Thaïlande, finançant les deux des régimes politiques discutables. Les transport “bio” n’existe pas ... les bateaux délestent en pleine mer, les camions brulent du gasoil et dans les deux cas il y a un paquet de dommages collatéraux. Ben oui, combien de dauphins pris dans les pales des bateaux, de biches , d’oiseaux, de hérissons percutées, écrasés pour que nos fruits exotiques arrivent à bon port ?
Son blender vient de chine, assemblé dans une usine où les gens sont traités comme de la marchandise et payés une misère et acheté sur un site qui bafoue le droit du travail à longueur de temps.
Ses habits, comme sa nourriture, ont parcouru des milliers de kilomètres pour être parfois produit avec des produits chimiques (malgré les labels bios affichés) et cousu par des enfants, au même titre que ses nikes.
Sa fausse viande et son faux fromage sont issus de productions industrielle et chimique pas forcément très saine et de loin pas locale
Son chat provient d'un élevage de croisements génétiques et nourrit avec des boites industrielles (et là autre paradoxe : doit-on imposer le véganisme aux animaux … ah ben non ce serait aller à l'encontre de leur nature, dans ce cas là c'est pas pareil)
Son billet d'avion compensera le bilan carbone de son véganisme.
A côté de ça j'essaie d'imaginer une personne qui consommera bio, local, de saison avec, certes de la viande de temps en temps (mais qui vient d'un paysan qui connaît toutes ses bêtes) qui portera ses fringues jusqu'à l'usure, n'aura que le strict nécessaire chez lui, pas de robots ménagers dans tous les sens, pas d'ordi, pas de fruits exotiques … et qui pourtant sera la "cible" des végans en raison de son manque de conscience et de sensibilité… et là je me dit qu'il y a un soucis dans la manière qu'ont les végans de mener leur "combat" …
Je me dois de rajouter un GROS P.S. à ce texte : je ne me considère absolument pas comme étant moi-même éthiquement irréprochable, loin de là ! J'essaie de faire au mieux ma part en restant un maximum cohérent entre mes convictions et mes capacités de consommation. Mais par contre l'issue de mes réflexions, de mes pensées, mes idées, je les PARTAGE. J'espère que parfois ma vision des choses en convainc certain mais je considère toujours que les choix éthique sont personnels et que nous ne pourrons jamais être irréprochables sans devenir extrêmes et sans s'extraire totalement du système, ce qui n'est pas ma volonté, au contraire, j'espère pouvoir être le témoin d'évolutions du système dans "mon" sens quitte à devoir faire des compromis, mais que je choisis.
EDIT : suite à l’engouement et aux nombreux comm qu’a suscité cet article aux différents endroits où il a été partagé et comme ça a dépassé le cercle des gens qui me connaissent, je me dois de me présenter pour permettre de contextualiser éventuellement cet article. Pour commencer je dois moi-même faire face à de nombreux paradoxes de consommation lié à mon choix de travail : étant photographe j’ai en effet beaucoup de matériel technologique ( ordinateurs, tablette, appareils photos ... ) qui ont un cout éthique important. Je n’ai pour le moment pas trouvé de solution pour ce pan là. J’ai passé plusieurs période de ma vie à appliquer un régime végétarien et un mode de vie assez proche des principes végétaliens sous pas mal d’aspects. Je me considère comme étant assez impliqué dans les domaines de la réflexion sur nos modes de vies, nos interactions avec l’environnement. J’ai un très grand intérêt pour la permaculture, les productions équitables ( je ne parle pas des labels qui spolient le terme ). Suite à de nombreuses réflexions j’en suis venu à avoir un mode de vie où les choix alimentaires et de consommation générale sont souvent mis dans la balance du pour et du contre au moment de l’acte d’achat. J’ai également un régime alimentaire qui est aussi très “fashion” car j’ai une alimentation principalement axée sur les principes du Dr Seignalet, à savoir sans gluten, sans produits laitiers, sans sucres raffinés ( mais je n’en fais pas un dogme, je m’accorde des exceptions si je n’ai pas le choix ou même si simplement j’en ai envie), je suis venu à ce régime il y a plus de 7 ans pour des raisons de santé et il m’a apporté beaucoup de choses ( j’en discute volontiers avec ceux qui s’y intéressent ). D’autres principes alimentaires font également parti de mes convictions, principalement le fait de consommer local, de saison et bio ( et dans ma région ça veux dire qu’il faut aimer le choux et les poireaux ). Je porte avec moi un assez lourd bilan carbone car j’ai beaucoup voyagé, mais ces voyages m’ont permit en contre partie d’apprendre énormément de choses sur l’humain, la nature, les interactions entre les deux, mais surtout pour réaliser qu’il n’existe pas de valeurs “universelles” ... partout les gens ont des convictions qu’ils sont parfois prêt à défendre avec armes et sang ! J’ai aussi vu qu’il y a un réel angélisme de la part des gens qui vivent leur conviction depuis le fond de leur canapé ikéa ... car à travers le monde j’ai été témoin de la violence , partout sous un nombre inimaginable de formes ! Les seuls moments où j’ai eu la sensation de m’en extraire on été ceux où j’ai été seul face à la nature, loin du fait des Hommes ! J’ai vu plus d’amour et de respect chez une productrice de bœuf bio en France qu’envers des vaches “sacrées” au Népal. J’ai recommencé à manger de la viande en voyage, lorsque j’ai été reçu par des gens qui n’avaient rien d’autre à me proposer et qu’il aurait été plus que déplacé de dénigrer ce geste pour mon petit confort intellectuel. Et puis j’ai appris à reconnaitre qu’il y a de réelles différences entre les modes de production et que cela impact directement nos valeurs et notre environnement, j’y suis de plus en plus attentif et rencontre des gens merveilleux depuis. Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, je trouve merveilleux que de plus en plus de gens s’intéressent aux modes alimentaires “alternatifs” ( qu’ils soient végan, végétariens, sans gluten, bio ... ) car ça montre que les gens ne prennent plus tout pour argent comptant. Mais je prône également la coexistence et l’évolution douce. C’est souvent en ça que mes avis divergent avec les militants ( végan ou autre) sur les manières d’agir : Les études en neuroscience montrent que face à une démonstration de la violence (vidéo d’un abattoir par exemple), le cerveau d’une personne non préparée, vivra ça comme une agression ... mais au lieu d’obtenir un électrochoc contre le système, le trauma sera dirigé contre la personne qui lui aura fait vivre ce trauma... avec un effet inverse à celui désiré... mais je m’égare à parler de ça.
Bref, je tente juste de faire avec les outils à ma disposition pour rester le plus cohérent possible entre mes choix, mes croyances, mes moyens et mes aspirations. Jonglant moi-même avec certains paradoxes.
EDIT 2 :
Je n’ai hélas rien inventé pour créer ce personnage fictif ! juste pris quelques éléments sur différents posts de mes contacts ... j’ai même été assez soft pour qu’on ne pense pas que j’exagère le trait ! Et pour celles et ceux qui me font la critique d’avoir choisi une femme plutôt qu’un homme c’est pour la même raison ( qui n’est pas lié à une réalité statistique et objective ) : je n’ai pas eu autant d’occasion de voir ce type de posts et de profils dans mon fil d’actualité.
'Auroville, la cité dont l’avenir à besoin ? (documentaire)' have 7 comments
21 avril 2017 @ 18 h 36 min lewerentz
Personnellement, ce ne serait pas du tout mon truc mais des goûts et des couleurs.
26 avril 2017 @ 17 h 56 min Akshaya
Voilà un beau projet qui ouvrirait les portes de l’Élysée
Plus sérieusement, je dis chapeau ! pour avoir transformé un désert en forêt tropical y avoir ramené la vie avec l’eau et organisé un système de société, qui on l’aura bien compris, se cherche. Mais là n’est-il pas le but d’une vie ? Chercher, se chercher en tout, à travers tout, partout, pour enfin se trouver à l’intérieur de soi. La dualité est le moteur du Jeu et Auroville qui est un « laboratoire humain » en est la parfaite illustration.
Merci pour ce documentaire très intéressant et instructif.
28 avril 2017 @ 0 h 48 min Vincent
L’idéal serait de reproduire Auroville dans un maximum d’endroits sur Terre !
1 mai 2017 @ 16 h 58 min Daniel
Bonjour
Auroville l’avenir
A regarder ce documentaire nous voyons une fois de plus l’utopie de la cité idéale :
Pas d’agent, pas de propriété, fraternité universelle, égalité, recherche de l’harmonie, de la spiritualité, de la paix, ect. Ne plus dépendre des valeurs corrompues de la société « moderne ».
Evidemment au début « l’on » se construit une image idéale de la vie que « l’on » va y mener, ne plus être confronté à cette société pourrie, ect .
Mais voilà, nous emportons avec nous « cette pouriture » ainsi que tous nos shémas de fonctionnement et arrivés sur place nous sommes confrontés à la dure réalité de la vie : se nourrir, se vêtir , trouver un toit , ect .
Mais tout n’est pas tout à fait noir ou blanc, c’est toujours un mélange des deux dans diverses proportions. Auroville a des valeurs fondamentales qui réapparaissent , mais toute communauté se trouve aussi confronté à son organisation, qui fait quoi ?, qui dirige ?
« Mais gérer une telle entreprise est loin d’être aisé et la communauté doit faire face à des crises, notamment celle provoquée par l’implantation de nouvelles générations aux motivations différentes de celles qui les ont précédées. »
Evidemment et ce documentaire très instructif montre bien qu’il est impossible de s’affranchir tout à fait de « l’exérieur « .Des liens se créeent peu à peu car il faut vivre ici , et nous avons besoin de … certaine choses de « l’autre monde » . Nous avons besoins d’échanger « des produits » qui une fois vendus apportent des moyens qui permettent à la communauté de vivre comme aussi le soutient financier « des autres » .
Mais le principe de la cité « idéale » a toujours existé , certes Auroville est une expérience remarquable mais cet excellent documentaire montre bien les failles du système. Je me demande ce que « La Mère » fondatrice dirait en voyant Auroville de nos jours !!
Le commentaire d’un habitant remet bien « les choses » dans la réalité de tous les jours.
« L’idéal serait de reproduire Auroville dans un maximum d’endroits sur Terre ! » nous dit Vincent .
Oui bien sûr mais ce serait sans doute la même « progression » que celle d’Auroville, c’est évidemment un travail continuel sur soi pour changer notre façon de vivre, il suffit de voir cette magnifique forêt à la place du désert. Les pionniers ont du transpirer , mais quel résultat splendide !!
Pour conclure il y a un très beau livre sur le sujet de la communauté « idéale » :
Le Nègre du Paradis :
https://www.amazon.fr/nègre-du-paradis-Unsworth/dp/2714438628/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1493563487&sr=1-2&keywords=le+nègre+du+paradis
Infos : https://www.babelio.com/livres/Unsworth-Le-Negre-du-paradis/96909
24 juillet 2017 @ 20 h 21 min PHILIPPE
Y VIVRE ME PLAIRAIT BIEN … MAIS JE SUIS AGE DE 51 ANS … A LA FIN DU PARCOURS … JE TRAVAILLE ET AIS TRAVAILLE TOUTE MA VIE …. MEDITATION LE SOIR ….ET J AI PASSE MA VIE A PAYER MES FACTURES …. MA VIE S EST RESUMEE A CELA … TRAVAILLER PAYER … ALORS SI J AVAIS PU … JE SERAI ALLE Y VIVRE MA VIE ….
10 août 2017 @ 18 h 06 min Hélène
Ne dis pas que c’est la fin du parcours! A seulement 51 ans… Il y a aussi plein de beaux projets collectifs à mettre en oeuvre chez nous. Et chaque jour nous pouvons nous enrichir aussi personnellement, par exemple en méditant comme toi. Amitiés.
17 septembre 2017 @ 7 h 04 min Samma
Auroville est une idée merveilleuse ! Il faudrait sérieusement penser à la reproduire partout et… pourquoi pas en France ?!